Charpentiers de marine à Marseille
Dans les temps les plus anciens, lorsque sur le rivage on construisait un bateau à partir d’un tronc évidé on ne parlait pas de construction navale, encore moins de chantier naval mais, peu à peu ce type d’activité s’est organisé, les charpentiers de marine se sont unis en corporation.
A Marseille, l’activité maritime s’est longtemps développée au bord du Lacydon, dans la ville basse au pied du quartier que l’on appelle aujourd’hui le Panier.
C’est là qu’était installée la corporation des charpentiers de marine, que l’on peut situer sur une carte établie aux environs de 1350.
C’est là que vit et travaille Louis Jullien 1739-1809 mon ancêtre, descendant d’une lignée de navigants (marinier, maître canonnier, capitaine) qui a préféré rester à terre. Ses fils seront également charpentiers de marine.
Son fils Joseph Louis Marie commencera dans ce même quartier puis, en 1832, la ville s’étant développée sur l’autre rive du Vieux Port, longtemps occupée essentiellement par l’arsenal des galères, on le retrouve établi rue du petit chantier, la bien nommée qui a conservé ce nom.
Ce nouveau secteur regroupe dès lors les différents métiers relatifs à la construction navale. Outre les charpentiers on y trouve les cordiers, les calfats, les voiliers.
Joseph Louis Marie aura quatre fils dont trois exerceront le même métier, le quatrième sera forgeron (probablement pour la construction navale).
Le charpentier de marine pouvait aussi bien exercer à terre qu’à bord des navires. C’est ainsi qu’ Henri François Louis Jullien était embarqué comme charpentier à bord du paquebot La Mersey avec le numéro 49 sur le rôle d’équipage, il périt en mer le 2 mai 1858 au large de la Sicile.
Le chantier de l’anse du Pharo
il se développe entre 1790 et 1830, on y construit des bâtiments de faible tonnage dont 2 bricks, une corvette et une frégate sortis en 1827, une commande du sultan Mehemet Ali. Les mâts en pin des landes sont stockés dans l’anse de la fontaine du Roi voisine (actuel port de la Réserve).
Les chantiers du Pharo, trop petits seront assez rapidement supplantés par ceux de La Ciotat mais quelques entreprises y demeureront, spécialisées dans la construction et la réparation de bateaux de faible tonnage.
A la libération de Marseille les installations du Pharo furent entièrement détruites par l’aviation américaine (elles avaient été réquisitionnées par les Allemands pendant la guerre).
De nos jours l’activité est consacrée à la réparation de chalutiers et de petits bateaux à voile ou à moteur avec le chantier Sainte Marie ; le chantier Borg quant à lui construit des embarcations traditionnelles, il est aussi spécialisé en restauration d’embarcations anciennes, on peut y voir des barquettes marseillaises et en 2018 j’y ai vu un vieux « boutre « ayant navigué en mer d’Oman dont on commençait la restauration.
Le MuCEM lui a confié la restauration d’une roue à aubes égyptienne du XIXe siècle.
Le chantier Toche
Poursuivant notre route, après avoir dépassé le Pharo longeons la Corniche pour nous arrêter au Vallon des Auffes, petit port qui a, bien entendu, abrité des activités de pêche mais également de sparterie - fabrication de vannerie et de cordages à partir d’une plante, l’alpha (auffo en Provençal). Après l’ouverture de la Corniche en 1861, les Marseillais ont afflué vers les bords de mer, construisant des cabanons, c’est ainsi que le petit port du Vallon des auffes s’est peuplé et qu’au début du XXe siècle Etienne Julien Toche, issu d’une famille de pêcheurs de La Ciotat, a créé son chantier, non pas sur le bord de mer mais un peu plus haut, de part et d’autre de la rue du Vallon des auffes qui conduit au port (pour ceux qui connaissent, c’est l’actuel carrefour avec le boulevard Augustin Cieussa, sur des terrains où se trouvent aujourd’hui un immeuble et un terrain de pétanque).
Il y construisait de petites embarcations traditionnelles telles que le mourre de pouar (museau de porc) lourd et robuste, la plate, et aussi cette " bette " marseillaise sortie en 1955 du chantier Toche.
La bette (beto en Provençal) est une petite embarcation à fond plat, pointue à l’avant et à l’arrière, destinée principalement à la pêche mais, associée au cabanon, elle était aussi utilisée pour la plaisance.
Plus tard le chantier Toche quittera le Vallon des auffes pour aller s’installer à La Ciotat, ville d’origine de la famille.
Sources : L’inventaire Sud Paca et documents familiaux
Marie Louise BICAIS Marseille 24 juillet 2020