La peste de 1630 à Salignac et Argens

Les grands fléaux des siècles passés sont sans conteste, les guerres, les famines et les épidémies parmi lesquelles la peste nommée en ces temps là «  la contagion «,  un mal qui répand la terreur dans les populations par sa propagation et le nombre de morts. Il y avait les petites et les grandes épidémies.

Celle de 1630 prend rang dans les grandes pestes. Elle est certainement partie de Marseille le port où arrivent des navires porteurs de tissus en provenance d'Orient, des navires souvent infestés de rats et de vermines porteurs de germes.

«Extrait des registres de Parlement. Après avoir ouy Maître Louys d'Arnaud Conseiller du Roy en la Cour, Commissaire par elle Député pour informer de l'état de Santé de la ville de Marseille... La Cour a ordonné que les particuliers, & autres de ladite Ville de Marseille, auront libre entrée par toutes les villes & lieux de la Province, rapportant Billets de Santé... - Publié à la barre du parlement de Provence séant à AIX (13) le 5 Octobre 1630

Les villes, les villages, prennent des mesures de protection, on se barricade, on interdit l'accès à tout étranger non porteur d'un billet de santé, on institue des tours de garde, certaines foires sont interdites, dans le Luberon on construit le mur de la peste dont on peut encore voir des vestiges.

Mesures sensées qui n'empêchent cependant pas la propagation, la peste atteint les pays de Sisteron et de Digne.

Dans le pays de Sisteron, un village nommé Salignac traversé par le Jabron qui y conflue avec la Durance.

C'est là que vivent Louis Thunin et sa femme Françoise Deiglun. Ils se sont mariés à Salignac le 30 avril 1615. En 1630 ils sont parents de  cinq filles dont Lucresse la petite dernière venue au monde le 7 février 1630.

Mais «  la contagion « est arrivée à Salignac et trois de ces filles, Suzanne, Marthe et Marie, sont ensevelies le même jour 29 juillet 1630

«  Susanne THUNIN fille de Louys et Françoise DEIGLUN est décédée de la peste à la grange des S--- qu'y possède son père et a esté ensevelie au pied du pré qui est au dessous icelle est proche du vallon et le vingt neuf juillet mil six cent trente, moi soubsigné la voyant de loin

Marthe THUNIN fille du susdit Louys est décédée dudit mal audit lieu et a esté ensevelie avec la dicte soeur Susanne ledict an et jour

Marie THUNIN fille du susdict Louys est décédée de ladicte contagion à ladicte grange, a esté ensevelie avec ses dictes soeurs Susanne et Marthe ledit an et jour

Françoise Deiglun, la mère, décède quelques jours après, le 4 août 1630

" Françoise Deiglun femme de Louys Thunin est décédée de la peste
à la route  qu'est joignant sa grange à
l'endroit de la grange de Mathieu Brémond de Bertrand,
là où s' était réfugiée et là a esté ensevelie, moy
soubsigné la voyant de loin le quatrième aoust mil six cent trente "

Lucresse «  la petite dernière «  née en février, fut miraculeusement préservée, elle épousera Louis Richaud en février 1651, elle est mon ancêtre.

Le curé qui, prudent, écrivait qu'il « voyait de loin » les cérémonies de sépulture, officia encore longtemps à Salignac.

Louis Thunin s'est remarié le 9 novembre 1630 avec Marguerite Heyriès, il fallait quelqu'un pour tenir la maison et élever la petite  Lucresse et sa sœur Catherine âgée d'environ 15 ans.

Dans le pays de Digne, au bout de nulle part au pied de la montagne de Corduech, Argens est un autre village descendant vers un ruisseau nommé La Sasse qui a, lui aussi, été touché par ce fléau, mais peut être était-ce la peste de Digne en 1629. Je suis allée le visiter car des ancêtres de ma grand mère Blanc y ont vécu.

Un vieil homme cultivant son champ de pommes de terres non loin du cimetière m'a raconté qu'autrefois, à l'emplacement de ce dernier, se trouvait le village d'Argens. Après la peste, le village a été détruit, brûlé, et reconstruit de l'autre côté du ruisseau. La petite église porte une inscription : 1664.

                                                                              Marie Louise BICAIS   Marseille 28 février 2020