Le Redon
Un quartier du 9e arrondissement de Marseille, c'est la première étape après l'obélisque de Mazargues quand on veut se rendre à Cassis. Au XIXe siècle c'était la campagne, il est indiqué comme lieu sur le cadastre de 1820 section Mazargues mais il n'apparait pas sur un plan de 1896 alors que le Cabot y est figuré en tant que quartier.
Sur l'Indicateur marseillais 1886, à la rubrique " quartiers et hameaux " Le Redon " n'existe pas ! A la lettre V on trouve " Vaufrège " (sans le S) signalé comme dépendant de Sainte Marguerite et, à la page de Sainte Marguerite, dans la liste des hameaux, on lit Le Cabot, Le Fangas, La Panouse, Saint Tronc, Vaufrège.
Le Fangas, mais oui c'est au Redon !!!
De nos jours c'est une banlieue résidentielle où les immeubles remplacent peu à peu les petites maisons individuelles et les grandes propriétés qui abritaient de superbes bastides telles La Rouvière, le Mirador, Valmont, Valmante, Prévallon ; un quartier qui a été coupé en deux par le percement de l'avenue de Lattre de Tassigny anciennement nommée route de Cassis.
Le mot " redon " signifie colline ronde ( " redoun " c'est " rond " en Provençal)
Les lieux
Le fangas : en Provençal c'est un bourbier
Quartier et rues : boulevard du Félibrige, boulevard de Font Ségugne (château de Fontségugne à Châteauneuf de Gadagne près d'Avignon dans ce lieu, fut créé le 21 mai 1854, le Félibrige, mouvement visant à promouvoir la « langue d’oc » et la culture provençale) , avenue Calendal et avenue Mireille deux œuvres de Mistral , rue Alphonse Tavan co-fondateur et majoral du Félibrige.
Chemin Adrien Gerbe : 1909-1944 un traminot domicilié au Redon, tué dans une embuscade au Plan d'Aups (ex chemin de l'écureuil)
Boulevard Domergue : le 5 fructidor an III monsieur Domergue achète une propriété à monsieur Second
Chemin Jean Roubin 1914-1944 : un ébéniste mort pour la libération de Marseille (ex chemin de la Gouffone)
A l'intersection du chemin Jean Roubin et du boulevard du Redon se trouvait la maisonnette de l'octroi
Avenue Paul Baron 1923-1944 : un Marseillais de Mazargues, soldat FFI tué à Ecuelle dans le Jura
Boulevard Léonard Combe 1924-1944 : un employé de bureau dont les parents habitaient boulevard Rosette ; tué aux Airelles route de Grenoble (ex boulevard Rosette)
Route Léon Lachamp 1911-1944 : un mécanicien blessé lors de la libération de Marseille à Vaufrèges, il décèda le lendemain
Rue Dominique Piazza 1860-1941 : un Marseillais d'origine italienne qui a inventé la carte postale photographique et fait construire le théatre Silvain avec l'acteur Eugène Silvain
Traverse Granval (Joseph) 1798-1872 : un employé de pharmacie devenu industriel ; il achète en 1855 une grande propriété qu' il cède en 1893 à son beau frère Louis Mante d'où le nom de Valmante. Louis Mante dont l'épouse n'était autre que Juliette Rostand la sœur d'Edmond.
Traverse de la Gouffone : on a du mal à l'imaginer car elle est à sec maintenant (dans ma jeunesse j'habitais à proximité et j'ai connu ses débordements). Nommée Golphona en 1173 elle prenait sa source à Vaufrèges, passait au pied de la colline Saint Joseph le long de l'actuel chemin Jean Roubin, bifurquait après Valmante passait par le " Vallon de la Couffone en 1819 ou Valat de Confonne en 1831 " et allait se jeter dans l'Huveaune après avoir traversé Saint Giniez.
Une marbrerie dont les machines étaient actionnées par ce cours d'eau y était installée chemin Jean Roubin au début de XXeme siècle.
Luminy
Une vigie, un falot (Lun, Lumen, Luminie) serait à l’origine du nom de Luminy.
Les titres les plus anciens concernant ce territoire remontent au Xe siecle.
Vers l'an 1005 ce domaine fait partie de la dot apportée par Dame Odile lorsqu'elle épouse Fulco vicomte de Marseille.
Au XIe siècle les bâtiments, dont une chapelle sont la propriété de l'abbaye de Saint Victor, puis passent aux moniales du Mont de Sion une communauté cistercienne dont une abbesse agrandit les bâtiments en 1242 et qui reçoit les jeunes filles de la noblesse Provençale.
Le 14 mars 1672 on trouve l'achat d’un domaine de 1.200 hectares dont 200 cultivables. Luminy appartient à la famille d'Ollières.
Au début du XIXe siècle le domaine est acheté à madame Baudouin veuve d'Ollières par Augustin Félix Fabre, armateur, l’arrière grand-père d' Henri Fabre inventeur de l'hydravion. Les Fabre, une vieille famille provençale.
En 1890 Cyprien, l’aîné de la famille, armateur de bateaux à voile, et son cadet, Urbain qui possède des navires à voile, héritent le domaine de Luminy. Cyprien Fabre sera plus tard l’initiateur du projet de Fos-sur-Mer.
De 1899 à 1913. Léonce Fabre lui succède.
En 1945 la famille est expulsée de Luminy au profit de l’Assistance Publique qui deviendra propriétaire du bien en 1963.
En 1964 on crée l’avenue de Luminy.
En 1967. c'est l'installation de l’Ecole des Beaux-Arts.
Et le 4 mars 1969 on inaugure l'Ecole d’Architecture.
L'église Saint-Jean Bosco : 317 Boulevard du Redon.
Petite église de style provençal avec un clocher en peigne, construite au milieu des pins sur un terrain situé dans le Fangas donné par la famille Denans *, conçue par M. Pereault architecte, dotée d'un maître-autel offert par la paroisse Sainte Marguerite, elle fut consacrée le 30 septembre 1951 par Monseigneur Delay archevêque de Marseille.
Dans les années 1950/1970 la paroisse était placée sous le ministère de l'abbé Jean Givaudan.
Mademoiselle Jeanne Perrimond (fondatrice du Cours Perrimond boulevard Salvator, devenu Lycée Perrimond au Roucas blanc), et son amie mademoiselle Trichard enseignaient le cathéchisme, elles habitaient Chemin Adrien Gerbe. . Les religieuses salésiennes de l'Institution Pastré à la Grande Bastide ont pris la suite.
Un organiste que nous appelions " monsieur Bruno " tenait l'harmonium à l'occasion des messes et autres cérémonies religieuses, son gendre, M. Jauffret lui a succédé à ce poste.
Auparavant existait simplement une chapelle accolée à une maison traverse Granval qui devint ensuite le patronage (le patro) animé par quelques religieuses salésiennes de l'institution Pastré sous la houlette de sœur Elise (une pensée aussi pour sœur Nicole, sœur Marie Simone, sœur Angèle et sœur Amelia). Chaque Eté les filles de la paroisse pouvaient partir avec elles en colonie de vacances à Saint Antoine en Dauphiné, dans les locaux mêmes de l'abbaye. Je les accompagnais comme monitrice.
Sœur Elise et sœur Nicole à Saint Antoine
Amis lecteurs, je vous prie de ne pas copier et reproduire cette photo. Je leur ai rendu hommage mais, par respect, je ne souhaite pas qu'elles se retouvent partout sur le Net. Merci.
La chapelle Saint Joseph : perchée au sommet de la colline du même nom, elle veille sur les terres alentour - le Redon et le Cabot - son véritable nom est d'ailleurs Saint Joseph du Cabot. Construite au XIXe siècle en style neo gothique, elle est ouverte en de très rares occasions, le 19 mars fête de saint Joseph une messe y est célébrée. On peut alors y apercevoir une statue de saint Joseph agenouillé devant l'enfant Jésus. Cette statue aurait été réalisée en 1849 par un pensionnaire du bagne de Toulon dont un ecclésiastique avait remarqué le talent de sculpteur.
La Rouvière : ancienne propriété de la famille Bonasse, achetée en 1886 par le banquier marseillais Eugène Bonasse, ce vaste domaine de 29 hectares, situé dans les collines de la Panouse et du Redon est remanié et paysagé par son petit fils Joseph avant d’être vendu en 1929.
En 1960 la propriété est rachetée par l’entrepreneur Jean Cravero qui dépose un premier permis de construire en 1961, les travaux s’achèveront en 1971. Il s’agit d’ un ensemble résidentiel de 2.200 logements répartis dans 7 immeubles, dont les premiers occupants furent essentiellement des rapatriés d’Algérie.
Peu d'années auparavant, une famille qui construisait une maison particulière de l'autre côté du boulevard du Redon, au pied de la colline Saint Joseph se voyait contrainte par les services municipaux de modifier son projet " pour respecter le cadre provençal du lieu ". La résidence La Rouvière et le cadre provençal , on en parle ?
De la propriété Bonasse subsistent le château et le bassin, enserrés entre des immeubles et le centre commercial.
En dépit de certaines affirmations, notament sur Internet, le château est toujours là, pas dans la copropriété la Rouvière mais dans une résidence privée qui a été détachée du reste de la propriété. Photo prise le 9 décembre 2022
Le cinéma : c'était dans les années 50-60 une sorte de hangar situé traverse Granval à côté du patronage ; une fois par mois, un projectionniste venait nous passer un film.
La carrière, les fours à chaux, Carvin-Lisbonnis
À la fin du XVIIIe siècle Esprit Thomas Carvin acquiert des fours à chaux dans le quartier du Redon sur les flancs de la colline saint Joseph. Son fils Jean François achètera en 1844 une propriété d'une douzaine d'hectares au lieu-dit « le fangas « comprenant une carrière de pierres et 2 fours à chaux permanents, puis en 1847 une propriété de 70 hectares dans le vallon de la Panouse avec des parcelles au Redon et dans le vallon de Vaufrèges.
Le petit fils de Jean François, sans descendance, s'associe avec son neveu Louis Marie Eugène Lisbonnis.
La société Carvin s'installe dans le quartier du Fangas de 1932 à 1968. Denis Lisbonnis transfèrera le siège à Vaufrèges en 1969. La production de chaux s'arrêtera dans les années 70.
La carrière rythmait la vie du Redon : à midi pile, retentissait une sirène annonçant l'explosion qui allait suivre.
Le Mirador : cette maison pour retraites religieuses située au delà de la route de Cassis était active en 1934. Elle fut occupée à la fin de la guerre par les américains et, à la Libération y étaient organisées des soirées jazz où les jeunes filles aimaient être invitées. (entretien Gérard Salario/Noëlle Tillier)
La maison pour tous : pendant la guerre s'y trouvait un champ exploité par les Allemands, il était travaillé par des Annamites envers lesquels les occupants se montraient très durs, allant jusqu'à les cravacher, « dans tout travail il faut du rendement « disaient-ils.
La DCA : 2 batteries étaient installées au Redon, l'américaine à la colline saint Joseph, l'allemande à Luminy.
Pour s'abriter lors des alertes il fallait aller jusqu'au château Valmont (détruit depuis) en traversant à découvert avant d'emprunter un tunnel (entretien Gérard Salario fils de la droguerie Salario/Noëlle Tillier).
Les commerces : dans les années 60, avant les supermarchés il y avait au Redon entre le chemin Jean Roubin et le terminus : 2 boulangeries, 2 boucheries (MM. Bergandi et Camacho), 4 épiceries, une pharmacie tenue par M. Galli qui vendait une Eau de Cologne fabrication maison (une recette de famille peut être) , un charbonnier, un marchand de vin, un cordonnier, 2 coiffeurs (hommes et femmes - qui peut oublier Huguette ? ), puis en face de l'église, un magasin de la presse (M. et Mme Silvestre), une mercerie, plus loin une droguerie (M. Salario) et un garage-sation service, une ferme vers le château Valmont et, à l'angle de l'avenue Paul Baron et du boulevard du Redon, la minuscule boutique de monsieur Mairone ,dont la ferme était au Cabot, qui venait tous les soirs nous vendre son lait cru en haut de la maison Moroso. Je me garderai d'oublier le Bar de la Gouffone et son boulodrome ni le bar Terminus dont je parle un peu plus loin.
Et aussi : un médecin et une infirmière - ma maman.
La population :
A la destruction du quartier du Panier en 1943 des immigrés italiens notamment Napolitains ont été déplacés vers le Redon. (Souvenirs de mon ami Fernand Giannellini)
Le Redon comptait environ 2.000 habitants dans les années 50-60.
Le tramway : le 24, à compter de 1930 c'était un tramway réversible c'est à dire avec un poste de conduite à l'avant et à l'arrière, le wattman (conducteur) changeait de place en arrivant au terminus déménageant sa manivelle avec lui. Il roulait sur une voie unique, le tram montant devait attendre le tram descendant au pied de la colline saint Joseph où la ligne avait un court passage à 2 voies ; il fut remplacé par un bus en 1959.
Le bar Terminus qui, en fin de semaine, se transformait en guinguette ombragée où l'on dansait - ici on appelle ça " le baletti "; plus tard elle est devenue le dancing Le Cyclope. Aujourd'hui plus de bar Terminus, plus de Cyclope, mais un immeuble résidentiel.
Le Redon et le cinéma
* " Le salaire de la peur " sorti en 1953 fut tourné en partie à Luminy ; c'est la droguerie Salario qui a fourni et fabriqué le colorant pour la boue (entretien Gérard Salario/Noëlle Tillier)
Certaines séquences en camion furent filmées sur la route de Collias (Gard), d’autres le furent dans le massif de Marseilleveyre et les calanques, au sud de Marseille.
* " Le secret de sœur Angèle " : sorti en 1956 ; une scène du film a été tournée un soir dans la traverse Granval.
De nombreux jeunes du quartier sont allés assister à cet évènement, j'y étais !
* N'oublions pas " Fanny " le célèbre film tourné par Marcel Pagnol en 1932, la non moins célèbre partie de boules a été tournée au terminus du 24.
Sources : souvenirs d'enfance d'anciens du Redon - années 50/60. Marie Louise Bicais, Noëlle Tillier, Gérard Salario (entretien exclusif pour Provence et moi) , Fernand Giannellini - AD 13 - Gallica, Merci à Adrien Blès : Dictionnaire historique des rues de Marseille - pour les noms de rues des morts de la seconde guerre.
* Famille DENANS : alliée aux familles LISBONIS et CARVIN (carrières et fours à chaux)
Marie Louise BICAIS - Marseille 28 Février 2020