Un pillage, un captif : 2 chaînes
La chaîne du port de Marseille
La libre circulation des biens et des personnes, ça, c'est maintenant.
Jadis la circulation (guerres ou commerce) était contrôlée, remparts, tours de guet et barrières d'octroi, permettaient de protéger les villes mais, quand ces villes étaient des ports il fallait les protéger aussi des incursions nocturnes d'ennemis ou de pirates venus par la mer. La solution : fermer le port.
Lorsque l'entrée de celui-ci était un passage resséré et que, de part et d'autre de ce passage on avait édifié une tour, certaines villes portuaires avaient installé des chaînes que l'on mettait en place pour la nuit.
C'était aussi un moyen d'empêcher un navire de quitter le port sans avoir acquitté les droits de douane et réglé ses dettes.
C'est ainsi que l'on trouvait des chaînes à La Goulette l'avant port de Tunis, Mahdia à 200 kilomètres au sud de Tunis, Constantinople, Damiette, Rhodes, La Rochelle et aussi à Marseille où une chaine, plus exactement deux chaînes barraient l'entrée du Vieux port, l'une partant de la tour Saint Jean d'un côté et de l'autre du contrefort de l'actuel Fort Saint Nicolas ou de la montagne Tête de More (actuel Pharo) ainsi qu'on peut le voir sur ce détail - l'emplacement diffère selon les représentations mais le fort Saint Nicolas est plus logique.
Mais qu'est donc devenue la chaîne de Marseille, voici l'histoire :
La reine Jeanne avait accédé au trône de Naples, succédant à son frère Ladislas mort sans héritier. Devant lutter contre les révoltes menées par diverses familles de la noblesse napolitaine, notamment les Sforza qui s'étaient alliés à Louis III d'Anjou comte de Provence, lequel assiégeait la ville de Naples, Jeanne, en 1420, demanda de l'aide à Alphonse V dit le Magnanime roi d'Aragon et de Sicile. Mais celui-ci, après avoir vaincu les insurgés, fait battre Sforza en retraite, avait fait arrêter Caraccioli favori de Jeanne en 1423 et tenté de s'emparer de la personne de la reine. Celle-ci, alertée, fit appel à Louis III d'Anjou et, pour mieux s' assurer de lui, le désigna comme son fils adoptif et héritier.
Louis d'Anjou fit revenir Sforza au sevice de la reine, battit Alphonse d'Aragon qui dût battre en retraite et regagner son royaume.
Mais, désireux de se venger de Louis d'Anjou Alphonse décida, sur le chemin du retour, d'attaquer Marseille.
Le 23 novembre 1423 une flotte aragonnaise se posta à l'entrée du port, attaqua et incendia la tour Saint Jean. Ne parvenant pas à forcer le passage de la ligne de bateaux défendant l'entrée derrière les chaînes, les assaillants débarquèrent dans l'anse de la Réserve (au pied de l'actuel Pharo), pillèrent et incendièrent la ville, le sac dura trois jours à la fin desquels Alphonse d'Aragon reprit sa route vers l'Espagne, emportant avec lui les reliques de Saint Louis d'Anjou évêque de Toulouse mort à Brignoles en 1297, ainsi que les chaînes du port que l'on voir depuis lors exposées dans la cathédrale de Valence.
Toutefois, sur des plans ou gravures postérieurs à 1423, on peut voir le port fermé par des chaînes, en voici l'explication : " Le récit d'un pèlerin passé par Marseille en 1474 dit : " Quand les bateaux sont entrés, on tire les chaînes devant les portes de la mer, de sorte que personne ne peut entrer et ainsi les bateaux sont en sécurité, à l'abri du monde entier " on avait donc remplacé la chaîne dérobée.
En souvenir de ces chaînes il ne nous reste plus qu'un crochet que l'on peut encore voir fiché dans un mur à l'entrée du port, sous le fort Saint Jean.
et quelques images sur d'anciens plans et gravures de Marseille
La chaîne de Moustiers Sainte Marie
Nous voici dans une petite commune des Alpes de Haute Provence aux portes des gorges du Verdon, connue pour ses faïences mais qui, parmi ses attractions touristiques, possède aussi une chaîne bien différente de celle de Marseille, chaîne à laquelle est accroché une étoile à 10 branches.
La chaîne, tendue entre deux escarpements rocheux mesure 135 mètres et pèse 150 kilos ; l'étoile, la onzième depuis sa création car elle a chuté plusieurs fois, est dorée à l'or fin et sa taille est de 1,25 mètre.
On recense pas moins de 17 légendes pour expliquer cette étoile qui semble protéger la ville.
Je retiens celle-ci parce que c'est la version donnée par Frédéric Mistral qui avait choisi Santo Estello comme patronne du Félibrige. Voici ce que dit cette romance La cadeno de Moustié sortie du recueil Lis isclo d'or, li roumanço, je ne garantis pas que ce soit la véritable explication !
Un chevalier de la famille de Blacas, étant prisonnier des Sarrasins, se vit promettre par le calife de Damiette une vie de rêve au Liban et les plaisirs offerts par ses favorites s'il se convertissait à l'Islam « tu n'as qu'à prendre le turban « . A chaque promesse Blacas répondait comme une litanie
« A tes pieds Vierge Marie
je suspendrai ma chaîne
si jamais je retourne à Moustiers
dans ma patrie «
Impressionné par cette fermeté dans sa Foi, le calife libéra Blacas qui, de retour au pays tint parole et fit tendre cette chaîne
« A Moustiers au quartier vieux
haut perchée est une église.
Depuis, dans l'azur du ciel
là où passent les palombes
dominant les précipices de la gorge tout entière
une chaîne se voit
A tes pieds Vierge Marie
je suspendrai ma chaîne
si jamais je retourne à Moustiers
dans ma patrie
Reliant deux blocs superbres
la chaîne mesure cent toises
et l'étoile des Blacas y pendille souveraine ;
et toujours les marjolaines et les giroflées
redisent dans le ravin
A tes pieds Vierge Marie
je suspendrai ma chaîne
si jamais je retourne à Moustiers
dans ma patrie «
Sources :
Office du tourisme de Moustiers
Frédéric Mistral Lis isclo d'or
Marie Lousie BICAIS Marseille 17 avril 2020