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Mes petites histoires de Marseille et de Provence

Brovès, village fantôme

Dans le haut Var, au pied des Préalpes, se trouve le Plan de Canjuers. Plan, c'est ainsi que l'on nomme un plateau en Provence. Le nom de Canjuers, il le doit à Jules (César) qui y avait établi son camp lors de son avancée vers les Gaules. Au Nord les gorges du Verdon, à l'Est celles de l'Artuby, un paysage de montagne, de petits villages occupés par des cultivateurs et des bergers.

Brovès plan Realisation_du_10-03-20 pour Canalblog

Brovès était l'un de ces villages, la vie s'y déroulait au rythme des saisons, des travaux des champs, des transhumances., loin du tumulte des grandes villes. Il était peuplé dès le IXe siècle, on y comptait 300 âmes au XIXe siècle. En 1931 il regroupait 35 maisons abritant 39 ménages, soit un total de 110 personnes.

Brovès armorial Realisation_du_10-03-20 pour Canalblog

Mais en 1974 la vie s'est arrêtée dans ce paisible village. Cette vie qui était menacée depuis un siècle :

1873 : premier projet de création d’un champ de tir sur le plateau de Canjuers et d’une école militaire dans le Var dans le cadre de la réorganisation de l’armée française instaurée par le président Adolphe Thiers à la suite de la défaite de 1871 contre les Prussiens.

1931 : première incursion militaire concrète dans la commune de Brovès avec l’installation d’un polygone de tir de circonstances dans le vallon de Clos Magnan.

1954 : projet d’un polygone de tir de 25 000 hectares, le plus grand d'Europe, empiétant sur 13 communes du Haut-Var entre Aiguines et Comps. Brovès n’est pas touché par l’emprise militaire.

1955 : L’emprise militaire est diminuée de 6 000 hectares et légèrement déplacée vers l’est du département. Brovès perd désormais 125 hectares sur son territoire.

Août 1955 : Les appelés du contingent partent pour l’Algérie. Le projet de polygone de tir n’est plus une priorité, il est mis en sommeil.

Juillet 1962 : fin de la guerre d’Algérie : un nouveau projet voit le jour dont l’emprise porte désormais sur 35 000 hectares partant d’Aiguines jusqu’à Mons. La commune de Brovès, intégralement incluse dans le périmètre défini, est sacrifiée.

Tout s'accélère à partir de 1963 :

15 janvier 1963 : le projet de création d’un immense polygone de tir est présenté au conseil général du Var par le préfet  Armand Berthet.

21 octobre 1963 lancement de  l'enquête d'utilité publique

17 septembre 1963 : publication du décret déclarant d’utilité publique la création d’un champ de manœuvres et de tir dans la région dite des plans de Canjuers.

3 avril 1967: Début de l’enquête parcellaire

1er octobre 1968: le ministre des Armées, Pierre Messmer, en visite à Canjuers demande une accélération du processus d’acquisition des parcelles.

4 août 1970 : publication du décret de fusion  entre  Brovès et Seillans. La commune de Brovès est officiellement rayée de la carte de France.

8 décembre 1973 : report de la date d’expulsion des Brovésiens au 1er juin 1974.

27 mai 1974 : déménagement de la mairie et fermeture de l’église

30 mai 1974 : fermeture du bureau de poste

31 mai  1974: nouvelle tentative infructueuse pour repousser l’échéance à septembre.

6 juin 1974 : distribution des avis d’expulsion immédiate aux derniers Brovésiens toujours présents au village..

7 juin 1974 : coupure de l’électricité, du téléphone et de l’eau courante. Expulsion des derniers habitants de la commune.

8 juin 1974 : début des grandes manœuvres militaires

(Source : Alain Constanzo - Brovès anciens et amis)

 

Il n'y a plus âme qui vive à Brovès, seul le vent s'engouffre dans les maisons, par les portes et fenêtre béantes, les toitures effondrées. La vue de cette longue rue déserte me rappelle la rue principale du village martyr d'Oradour sur Glane (excepté le sacrifice de vies humaines).

Brovès rue déserte Realisation_du_10-03-20 pour Canalblog

«  Ici, le clocher n’a plus de cloche. Les corbeaux sonnent les heures. Le temps a défoncé les toitures, brisé les tuiles, lézardé l’église, enseveli le lavoir, pulvérisé d’énormes poutres et détruit les façades des vieilles fermes. Tout cela, accéléré par les rapines des pillards venus se servir en pierres de taille, ferronnerie et tuiles anciennes. «  (Nouvel Obs 2016)

Marie Louise BICAIS Marseille 13 mars 2020

 

 

 

 

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