L'Huveaune : un fleuve
Malgré sa faible longueur de 48 kilomètres l'Huveaune est bien un fleuve puisqu'elle se jette dans la mer à Marseille, près des plages du Prado et de l'hippodrome Borély. Ellel prend sa source à Nans-les-Pins, dans le Var, sur le versant Nord de la Sainte-Baume dans la grotte de Castelette à 590 m d'altitude.
Ybelna et Ubekla seraient deux formes d'un dialecte ancien pour le nom de ce fleuve, mots désignant quelque chose de mauvais, faisaient référence au torrent qui est à son origine.
Le nom pourrait également dériver du nom de Divona donné par les Romains
Si l'on se réfère à la carte de Cassini (XVIIIe siècle) , notre Huveaune à sa source est nommée Le Verne, puis Luvène après avoir traversé Saint Zacharie.
Toujours d'après la carte de Cassini qui, sur le territoire de Marseille, la nommait Le Veaune elle se termine sur la « plage de Veaune "
De faible longueur certes, mais elle traversait des terroirs différents, administrés pas des autorités diverses, ce qui n'allait pas toujours sans problèmes quant à la gestion de l'eau.
C'est ainsi qu'en 1069 le terroir de Marseille est divisé en deux, l’évêque se voit attribuer le nord du terroir avec le village de Château-Gombert et le ruisseau de la Caravelle, le vicomte de Marseille quant à lui se voit attribuer les territoires de l’Est et du Sud alimentés en eau principalement par le Jarret et l’Huveaune.
Même si l’abbaye de Saint-Victor n’est pas concernée par le partage, on assiste au XIe siècle à des donations par les vicomtes de Marseille à l’abbaye. En 1079, le vicomte de Marseille donne à l’abbaye l’eau de l’Huveaune avec toutes ses sources, de Saint-Menet jusqu’à la mer, avec le droit exclusif de pêcher et de construire des moulins. Les eaux de Marseille appartenaient donc à trois pouvoirs différents : l’Huveaune à l’abbaye de Saint-Victor, le Jarret au vicomte de Marseille et la Caravelle à l’évêque de Marseille et l’abbaye de Saint-Victor est donc maîtresse de l’Huveaune du village de Saint-Menet jusqu’à la mer, elle développe sur ce parcours une activité de meunerie.
D'autres moulins seront créées le long du cours, dont les propriétaires sont visibles dans le tableau ci-dessous
En 1229 à l'occasion de tensions entre l'abbaye et la municipalité de Marseille concernant l'utilisation des eaux de l'Huveaune, les édiles en détournent le cours et interdisent aux habitants d'apporter du grain à moudre aux moulins de l'abbaye.
On peut encore voir à Marseille, à côté du siège du Conseil Régional, une arcade, vestige de l'ancien aqueduc qui amenait les eaux de l'Huveaune vers la ville.
Au XIVe siècle les dirigeants marseillais s'attribuent la gestion des eaux de l'Huveaune, mais les habitants d'Aubagne construisent des canaux afin d'en détourner les eaux jusqu'au quartier de Camp Major. Ils doivent cependant cesser leur entreprise le 20 janvier 1465 suite à une réclamation des édiles marseillais, projet qu'ils reprennent en 1472 en construisant une écluse, mais en 1475 le roi René ordonne de laisser le libre cours sans aucun obstacle et les tensions vont s'apaiser.
A la Révolution quelques grandes familles marseillaises, notamment des commerçants et quelques familles ci-devant nobles, s'approprient le patrimoine foncier des moulins.
Des luttes, somme toute, normales pour la possession et la gestion de l'eau, indispensable pour l'irrigation mais aussi pour l'artisanat et les manufactures (meunerie, céramiques, tanneries, fabriques de papier, filature de coton, lavandières) . Au XIXe siècle les blanchisseuses de Saint Marcel qui lavaient dans l'Huveaune le linge des riches familles marseillaises assignèrent en justice la ville d'Aubagne en raison de la pollution générée par les tanneries qui rejetaient leurs résidus dans l'Huveaune, elles obtinrent gain de cause en 1848.
L'Huveaune, dans son parcours final est surtout restée dans la mémoire des Marseillais, comme étant un égout à ciel ouvert charriant tant les déchets industriels que les immondices que l'on y deversait sans ménagement, jusqu'à ce que, dans les années 1970, la municipalité ne traite le problème en procédant à son assainissement et au détournement des égouts vers la calanque de Cortiou (on a en partie déplacé le probème).
Une étude accompagnée de schémas, parue dans Le monde des moulins, nous montre l'implantation des divers moulins sur les territoires d'Auriol Aubagne et Marseille. (Un béal est un petit cours d'eau dans le Midi, c'est également un fossé creusé à côté d'une rivière pour l'usage d'un moulin )
* L'Huveaune vue par d'autres cartographes
XVIIe siècle : réserve de la citadelle Saint Nicolas « Veaune «
1736 Jacques Ayrouard Pilote réal des galères du Roy « Leveaune «
1773 Jean Antoine Bresson « Veaune «
1819 : cadastre plan de section Notre Dame de la Garde « l'Huveaune «
* PS après la publication de cet article une lectrice me signale qu'en 2013, année où Marseille fut désignée " Capitale européenne de la culture " et à l'occasion de la série d'évènements culturels MP2013, cinq sculptures " Les fées de l'Huveaune " ont été installées le long de son cours.
La fée Gyptis, qui de trouvait dans le jardin du vieux moulin à Saint Loup a été volée en mai 2014 !
Sources :
Annales de Provence Société d'études provençales
Délibérations municipales de Marseille des années 1470, Auderic Maret
Le canal de Marseille
Rivieres et hommes Paca
Historique sur l'Huveaune et ses moulins FDMF (Claude Carbonnell)