Les dessous du Panier

Le Panier, berceau de Marseille, lieu où se sont installés les Phocéens au début du VIè siècle avant J.C. où, dans les siècles suivants, s’est poursuivi le peuplement et se sont développés l’artisanat et le commerce, s’étend du Vieux Port jusqu’à l’anse de l’ourse sur l’actuel port de la Joliette, couvrant la Butte Saint Jean, la Butte des moulins, la Butte de la Roquette, la Butte des Carmes.

Jadis nommé " Cavaillon " son nom actuel viendrait du XVIIe siècle et de l’enseigne de l’auberge « Logis du panier fleuri « d’après les archives consultées par un historien de Marseille.

Qu’il est agréable de déambuler à travers ses ruelles étroites aux noms encore médiévaux pour certaines, de découvrir les vestiges du passé, églises, hôpitaux, couvents ... mais, il y a aussi ce qui ne se voit pas car, sous la Butte des moulins se cachent :

La citerne des moulins 

Située sous la place du même nom qui est le point le plus haut de la butte.

Sur les représentations anciennes on distingue nettement les nombreux moulins qui s échelonnaient sur ses pentes.

Dès 1839 fut décidé un vaste projet de distribution des eaux de la Durance à travers la ville de Marseille, c’est à cette occasion que furent construites vers 1850 cinq citernes dont, sous la place, celle que l’on nomme «  citerne des moulins «  à 35 mètres au-dessus du niveau de la mer.

Son architecture, avec 160 piliers en pierre de Cassis, hauts de 5 mètres, espacés de 4 mètres dans un sens et 2 mètres dans l’autre, soutenant de petites voûtes en briques, n'est pas sans rappeler la Citerne basilique d’Istanbul. Elle a une capacité de 12.000 m³.

Sur ces voûtes avait été placée une couche de terre végétale d’environ un mètre d’épaisseur pour préserver la fraîcheur des eaux (on n’a donc rien inventé avec les toitures végétalisées ! )

Aujourd’hui la citerne est inutilisée, recouverte par la voirie, plusieurs projets de mise en valeur seraient à l’étude.

Les Caves Saint Sauveur

La place de Lenche est située sur l’ancienne agora grecque depuis laquelle les citoyens pouvaient surveiller les activités du port.

Son nom est dérivé de Linciu, patronyme d’une famille Corse qui, au XVIe siècle, prospéra à Marseille en installant un atelier de corail et des magasins, et en se faisant construire un somptueux hôtel particulier.

Au sud de la place, au Ve siècle, Saint-Cassien fonda le couvent des religieuses de Saint-Sauveur qui faisait face au monastère de Saint-Victor sur l’autre rive du port.
Sous la place de Lenche donc, se trouvent les caves Saint-Sauveur longtemps considérées comme datant du Moyen âge, dans lesquelles se trouve une petite pièce, vestige des constructions gallo-romaines, que les religieuses surnommaient " la prison de Saint Lazare ", celui-ci y ayant été enfermé jusqu'à son exécution. .

Louis Antoine de Ruffi (1657-1754) , historien qui fut autorisé par les religieuses à visiter les caves du couvent supposa qu’elles avaient pu contenir de l’eau et les nomma «  bains de César « 

Jean Baptiste Grosson (1733-1800) notaire-historien-archéologue les visita aussi,concluant à la présence d’eau notamment parce qu’un aqueduc les traverse du Nord au Sud.

Il considéra également qu’elles avaient servi de bains publics mais aussi de casemates ou de magasins pour l’arsenal.

En 1827, une revue publiée sous l’égide du Préfet Christophe de Villeneuve Bargemon préconisa de faire des fouilles ; en 1840 Prosper Mérimée les visita, les fit classer Monument historique, puis on les oublia.

Partiellement détruites avec les vieux quartiers pendant la seconde guerre mondiale, comblées par des gravats, recouvertes enfin par l’escalier du XXe siècle qui relie la place de Lenche au Vieux Port elles furent oubliées par nos édiles mais non par les archéologues.

Dès 1946 Fernand Benoît - historien et archéologue de la Provence - les fouilla et les pensa romaines.

En 1977 à l’occasion de travaux sur une canalisation d’eau, des archéologues purent intervenir et conclurent avec Henri Tréziny – historien et archéologue au CNRS - qu’elles dataient de l’ antiquité grecque.

Quant à leur destination elle fait encore l’objet de deux hypothèses :

- pour les uns elles seraient en fait les citernes-réservoir d’eau de la ville grecque au IIIe siècle avant J.C.

- pour les autres elles auraient servi au stockage de tout ce qui devait être conservé au sec – céréales, bois, corde, toile pour les navires.

Très détériorées elle ne sont pas accessibles aux visiteurs.

Les moulins de la butte

L’antique Massalia s’était établie sur le rive nord du Lacydon, qui comportait quatre buttes :

la Butte Saint Laurent, la Butte des Carmes, la Butte de la Roquette, et la Butte des moulins, la plus élevée à 42 mètres au dessus du niveau de la mer.

Sur cette dernière, en 1369 s’activaient déjà des moulins à vent ; au XVIIe siècle on en comptait 15 représentés sur d’anciennes gravures.

Peu à peu, avec la modernisation, les ailes ont cessé de tourner, les moulins ont disparu, jusqu’à ne plus rester que 3, sur la Place des moulins, on parvenait encore à les identifier dans ma jeunesse.

Sur les trois, un seul est encore visible au bout de la place «  cette place a l'allure et la tranquillité d'un village provençal, avec ses platanes, sa fontaine et son école « , les deux autres, bien qu’ils n’aient pas été détruits, ont succombé à des opérations immobilières privées qui les ont rendus invisibles depuis l’espace public.

 https://www.youtube.com/watch?v=6u04_C6Eeog

Ce que me répondait la mairie de Marseille en 2015 !

«  Suite à votre courriel du 16 octobre 2015, je vous informe qu'une autorisation a bien été accordée sur la place des moulins concernant une parcelle comprenant un ancien moulin. 

Ce permis de construire du 29 juillet 2013 a fait l'objet de plusieurs modificatifs, le dernier en date du 22 mai 2015. Le travail d'instruction par les services de la ville s'est effectué dans le cadre d'un dialogue constant avec l'architecte des Bâtiments de France dont l'avis est nécessaire dans ce secteur. 

Le projet restitue et surélève l'ancien moulin autrefois masqué par un hangar désaffecté.
Restant à votre disposition.
Bien cordialement. « 

Sources et images :

Caves Saint Sauveur : Ministère de la culture, Fernand Benoît, Henri Tréziny, INRAP Atlas archéologique

Citerne des moulins : Manifesta13

Marie Louise BICAIS Marseille 11 février 2022