La bouillabaisse marseillaise
Le plat emblématique, incontournable, de la cuisine marseillaise.
Du Provençal boui pour l’eau qu’on amène à ébullition
et abaisso pour abaisser ce bouillon afin d’y cuire les poissons.
Si emblématique, si recherché par les touristes que de très nombreux restaurants l’ont inscrite sur leur carte, hélas tous ne la réalisent pas dans les règles de l’art car la préparation en est longue et onéreuse.
" Une bouillabaisse à 32 francs, mon petit, c'est une plaisanterie. À 25 francs, c'est une escroquerie ! Parce que, à ce prix, il ne peut pas y avoir " ce qu'il faut dedans ". ( Alphonse Mounier du restaurant Fonfon au Vallon des auffes)
C’est pourquoi, en 1980, 17 restaurateurs de Marseille, Cassis et Martigues, respectueux de la tradition et de leur clientèle, ont signé « La charte de la bouillabaisse marseillaise « sous la forme d’un dépliant illustré par une nature morte de Pierre Ambrogiani.
Il n’est pas possible de normaliser la cuisine. En effet, il s’agit d’un art où le tour de main du Chef fait la réussite d’une recette. Cependant, la Bouillabaisse, spécialité marseillaise par excellence, comporte des ingrédients bien précis qu’il importe d’utiliser, si l’on veut respecter la tradition et ne pas tromper le client.
Cette charte a donc pour objet, tout en respectant l’art du professionnel, de préciser les éléments d’une Bouillabaisse de qualité, en vue de promouvoir ce plat régional auprès de la clientèle.
A l’origine, il s’agissait d’un plat de pêcheurs. Ces derniers, en triant le poisson destiné à la vente, mettaient de côté certaines pièces qu’ils préparaient pour eux et leur famille.
C’est donc un plat simple et familial qui, au fil des ans a été perfectionné et qui peut comporter maintenant un fond liant et même des crustacés
Le service de la Bouillabaisse marseillaise est laissé à l’appréciation du restaurateur, mais d’une façon générale, cette préparation est servie dans deux plats différents : l’un pour le poisson, l’autre pour le bouillon. Selon le goût du convive, les deux pourront être mélangés dans une assiette creuse ou bien servis à part.
Mais une règle obligatoire est le découpage du poisson devant les convives. On servira également la rouille accompagnée de croûtons.
Elle a inspiré des peintres, des céramistes, des cartes postales
Elle a même inspiré le journaliste, écrivain, dramaturge, poète marseillais Joseph Méry 1797-1866
qui lui a consacré un poème dont voici un extrait :
Donc, avant le poème, il faut d'abord qu'on fasse
Un coulis sérieux, en guise de préface,
Et quel coulis ! Il faut que le menu fretin
De cent petits poissons, recueillis le matin,
Distille, avec lenteur, sur un feu sans fumée.
Le liquide trésor d'une sauce embaumée ;
Là, vient se fondre encore, avec discernement,
Tout ce qui doit servir à l'assaisonnement :
Le bouquet de fenouil, le laurier qui pétille,
La poudre de safran, le poivre de Manille,
Le sel, ami de l'homme, et l'onctueux oursin,
Que notre tiède Arenc nourrit dans son bassin.
Quand l'écume frémit sur ce coulis immense,
Et qu'il est cuit à point, le poème commence :
A ce plat phocéen, accompli sans défaut,
lndispensablement, même avant tout, il faut
La Rascasse, poisson, certes, des plus vulgaires ;
Isolé sur un gril, on ne l'estime guère,
Mais dans la bouille-abaisse, aussitôt il répand
De merveilleux parfums d'où le succès dépend
La Rascasse, nourrie aux crevasses des syrtes,
Dans les golfes couverts de lauriers et de myrtes.
Ou devant un rocher garni de fleurs de thym,
Apporte leurs parfums aux tables du festin.
Puis, les poissons nourris assez loin de la rade,
Dans le creux des rescifs ; le beau Rouget, l'Orade,
Le Pagel délicat, le Saint-Pierre odorant,
Gibier de mer suivi par le Loup dévorant,
Enfin, la Galinette, avec ses yeux de Bogues,
Et d'autres, oubliés par les ichthyologues, l
Fins poissons que Neptune, aux feux d'un ciel ardent,
Choisit à la fourchette, et jamais au trident.
Frivoles voyageurs, juges illégitimes,
Fuyez la bouille-abaisse à soixante centimes;
Allez au Château-Vert, commandez un repas ;
Dites : « Je veux du bon et ne marchande pas :
» Envoyez le plongeur sous ces roches marines,
» Dont le divin parfum réjouit mes narines, ;
» Servez-vous du thys grec, du parangre romain,
» Sans me dire le prix; nous compterons demain ! »
https://www.youtube.com/watch?v=6o0EPcKRGGs
Marseille 7 janvier 2022