La Réserve Roubion - Un Palace

L'anse de la Réserve - Luc Raphaël PONSON - 1835-1904

au XIXe siècle sur l’esplanade dominant l’anse de la Réserve (ainsi nommée parce qu’on y entreposait en les laissant flotter les troncs d’arbres destinés à la construction navale) se trouvaient plusieurs restaurants dont Le rocher de Cancale et Le Panorama qui fusionnèrent en prenant le nom de La Réserve, restaurant réputé dirigé par le chef Marius Roubion.

Napoléon III ayant décidé, dans les années 1850, de construire sur cet emplacement un palais qui sera appelé Palais du Pharo pour l’offrir à l’impératrice, Roubion dut quitter ce site et ouvrit en 1860 un nouvel établissement de bord de mer au bas du Vallon de l’Oriol. Le nom «  La Réserve «  fut conservé pour ce Palace-Hôtel-Restaurant dominant la mer, aux jardins plantés d’essences méditerranéennes, doté de son propre vivier en contrebas permettant d’offrir à sa riche clientèle les mets les plus frais que vantait sa «  réclame «  .

Marius Roubion décède en 1876, dix ans plus tard sa veuve vend la Réserve à Paul Jules Neuschwander, un Suisse qui possédait déjà le Grand hôtel du Louvre et de la Paix sur la Canebière. La prospérité de la Réserve durera, rendez vous de la haute société, lieu privilégie pour les grands évènement familiaux ou mondains.

En 1938 le vivier est vendu au Club des dauphins créé par Ernest Pelatan qui en fait une piscine d’eau de mer.

A droite le vivier du restaurant La Réserve

Le palace, dont les affaires périclitent est vendu en 1969, démoli pour faire place à un programme immobilier qui prend pour nom La Réserve !

Le Château Roubion

Dans la préface de son livre «  Manuel complet de la cuisinière provençale «  le grand chef Clément Marius Morard (1846-1891) rend hommage à l’établissement dans lequel il fit ses débuts.

«  Je manquerais à mon devoir si je passais ici sous silence la maison dans laquelle j’ai eu l’honneur de faire mes premières études culinaires et où la bouillabaisse avait été la plus grande renommée de tout Marseille. Je veux parler de la maison Marius Roubion, praticien de mérite et de talent culinaire le plus incontestable. La réputation que Roubion s’était acquise à l’ancienne Réserve s’ est maintenue dans la nouvelle d’une façon tout à fait constante.

Qu’il me soit permis de tracer aussi bien que le pourra ma modeste plume, le tableau pittoresque que présentait à l’œil la route à parcourir pour arriver au nouvel établissement.

Le chemin de Ceinture n’était pas à cette époque tout à fait livré à la circulation ; il restait inachevé du côté du Vallon des auffes. On se rendait à la Réserve par la ravissante promenade du Prado, en longeant à droite le chemin de la Corniche, qui s’étend comme un serpent sur les rives de la mer, cotoyant la colline verte garnie d’arbres odoriférants qui masque la vue de Marseille. D’un côté la brise fraîche de la mer, de l’autre, le suave parfum des pins du milieu desquels s’élevaient et s’élèvent encore les flèches des plus somptueuses villas, aiguisaient l’appétit et réjouissaient la vue.

Peu de chemin du Roucas-Blanc pour arriver à la Réserve. Là se dresse sur un promontoire entouré d’une haute muraille, le splendide Château Roubion. Devant lui se dessinent les plus curieuses merveilles de la nature ; de ses fenêtres, le convive attablé jouit d’un coup d’œil qui ne se peut décrire.

C’est la Méditerranée aux flots bleus qui s’étend jusqu’à l’horizon, c’est le soleil dans toute sa splendeur, dorant les arcades du château, c’est une armée de navires, au panache ondoyant ou aux immenses voiles déployées, qui vont porter nos produits sur tous les marchés du globe ou qui reviennent chargés de marchandises des pays les plus reculés ; ce sont des barques de pécheurs semblables à des mouettes. Le panorama est multiplement varié et le tableau sans égal.

Qui est venu à Marseille, sans avoir été dîner chez Roubion, a manqué son voyage.

Marseille 20 juin 2023 - Marie Louise BICAIS