Marseille et l'hydravion

L’idée de l’hydravion est née en 1876, lorsqu’Alphonse Penaud dépose le brevet d’un monoplan amphibie à train d’atterrissage rétractable en forme d’aile volante ; amphibie, donc apte à décoller depuis un plan d’eau calme.

N’ayant pas réussi à trouver de financement il se suicida et son idée resta en sommeil jusqu’au 6 juin 1905 où le constructeur d’avions Gabriel Voisin fit décoller sur la Seine (tracté par une vedette rapide) un hydravion biplan le « Canard Voisin «

Henri FABRE

Mais c’est le 28 mars 1910 que fut réalisé le premier vol autonome de l’hydro-aéroplane Canard. Celui-ci était piloté par son inventeur l’ingénieur Henri Fabre, issu d’une famille d’armateurs marseillais possédant la compagnie Cyprien Fabre. Son père lui avait alloué une somme de 100.000 francs or et, pendant trois ans, sur un remorqueur nommé L’essor, il avait travaillé sur son projet et procédé à des expériences sur l’étang de Berre.

L’appareil décolla de l’anse de La Mède près de Martigues et survola l’étang de Berre entre 3 et 5 mètres au dessus de l’eau. L’exploit fut constaté par un huissier.

Par la suite, des amis lui ayant avancé des fonds, il se lança dans la construction de 6 appareils dont un seul fut vendu. Il dut se séparer de son remorqueur en 1911 mais continua en produisant des flotteurs dans ses ateliers de la rue Bonnefoy à Marseille, ou en vendant des licences pour des constructeurs d’avions.

Après la première guerre il construit 24 hydravions sous licence.

En 1918 il construit un hangar en bordure du port du Roucas blanc et envisage de faire construire une usine dans la propriété familiale entre l’avenue du Prado et l’Huveaune. En mai 1919 il fait construire un hangar d’essais dans l’anse de Saumaty proche de l’Estaque, la fin de la guerre sera aussi l’arrêt des commandes militaires d’hydravions et les deux projets seront abandonnés.

Hydrobase de Marignane Berre

En 1919 s’ouvre, à l’initiative du Ministère de la Marine, une école d’apprentissage de l’aviation maritime à Berre au bord de l’étang. En 1935 c’est la plus importante base aéronavale de France avec 4.500 marins.

C’est à l’école de Saint Chamas que Mermoz passe sa qualification hydravion avant de traverser l’Atlantique sud pour l’Aéropostale.

«  La gare aérienne et hydro-aérienne de Marignane est inaugurée le 29 octobre 1922 (200 ha, première digue, 3 hangars et un bâtiment). L'hydrobase de Marignane se spécialise dans l'aéropostal puis dans le transport de marchandises et enfin de passagers (liaison Marignane - Italie, Espagne, Afrique, etc.). Durant cette période, des sociétés spécialisées dans l'aéronautique sont créées comme la Société Provençale de Constructions Aéronautique (SPCA), Potez, Lioré et Olivier. Dans les années 1930, l'aéroport de Marseille-Marignane devient le plus grand aéroport européen de l'hydraviation marchande engendrant de la part de la chambre de commerce des investissements pour de nouveaux aménagements : aire de stationnement, hangar, appontement avec grue de 30 tonnes. Dans les années 1940 une seconde digue est construite plus à l'est. En 1942, un projet d'un deuxième grand aéroport avec une hydrobase voit le jour, il aurait dû être implanté sur l'Etang de Berre, au sud de l'embouchure de la rivière de l'Arc. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, les infrastructures aéroportuaires sont détruites. Après la reconstruction de l'aéroport, le projet de deuxième aéroport est définitivement enterré dans les années 1960 mais la grande piste de l'aéroport de Marignane est construite en remblai sur l'étang et englobe la première digue de l'hydrobase. En 1963, la base aérienne de la sécurité civile positionnée à l'ancienne hydrobase de Berre est déplacée sur celle de Marignane. En 1964 la configuration de l'hydrobase est identique à la situation en 2015 (seconde digue et appontement), mais aujourd'hui le site n'est plus utilisé. « (Dossiers Inventaire général du patrimoine culture Région Provence-Alpes-Côte d’azur)

C’est de là que partent les Trackers et les Canadairs que nous voyons intervenir chaque année lorsque des feux se déclarent en Provence. C’est eux que je vois parfois procéder à des exercices d’écopage dans la rade de Marseille. L’un d’entre eux aussi que l’on pouvait voir dans le Vieux Port le 10 septembre 2015 à l’occasion du raid Latécoère.

Tout comme on avait pu voir du 15 au 21 septembre 1946, posé sur le plan d’eau du Vieux Port après une démonstration en vol, l’hydravion géant SE 200 construit par la SNCASE (Société Nationale de Construction Aéronautique du Sud Est), l’hydravion à moteurs à pistons le plus rapide du monde.

Montfuron

Lorsque le Ministère de la Marine avait lancé le projet qui allait devenir la base de Marignane, des opposants à ce choix, membres de l’Aéro-Club de Provence et des industriel proposèrent en 1923 la création d’un port aérien à Montfuron, dans le quartier de la Capelette à Marseille, sur un terrain de 25 hectares appartenant à la ville, utilisé comme champ de manœuvres par les militaires, à 700 mètres de la gare du Prado, l’anse de Saumaty proche de l’Estaque étant envisagée pour les hydravions.

Montfuron ne convenant pas : piste trop courte, reliefs, proximité d’usines, couverture nécessaire de l’ Huveaune, ce projet ne fut pas retenu.

« La commission technique de l’Aéro-Club de Provence (où participent des représentants de la chambre de commerce, du conseil général et de la ville de Marseille) va ensuite étudier les avantages et inconvénients de différents projets d’aérodrome près du Prado; il sera même envisagé de construire une digue depuis la Joliette jusqu’à l’ile de Ratonneau pour créer deux bassins pour l’hydraviation, un aérodrome étant créé en aplanissant les iles du Frioul! « (Henri Conan)

Sources : Aerostories – Aérostèles – Histoire des hydravions de l’étang par Henri Conan – Hydroretro

Marie Louise BICAIS - Marseille 20 septembre 2020