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Mes petites histoires de Marseille et de Provence

Les nourrices des Basses Alpes

Moïse déposé dans une nacelle sur le bord du Nil, Romulus et Rémus ravis par leur oncle Amulius qui les dépose au bord du Tibre, Sémiramis abandonnée par sa mère au milieu d’un lac, Oedipe, Khrishna, Cyrus, Persée, Pâris autant d’enfants abandonnés ou enlevés, élevés par d’autres que leurs parents et qui eurent des destins glorieux.

Mais dans la vie courante, l’histoire était souvent moins romanesque.

Une famille trop pauvre pour élever un enfant de plus, une pauvre fille «  séduite et abandonnée « , un viol, et l’enfant était abandonné, au mieux déposé par la sage femme dans un établissement hospitalier ou déposé par la mère dans un tour d’abandon afin qu’il soit pris en charge par les religieuses puis confié aux institutions.

Le tour d’abandon était une boîte tournante aménagée dans le mur d’un couvent ou d’un hôpital tenu par des religieuses. La mère y déposait son enfant, faisait tourner la boîte et sonnait une cloche.

 

1 Les nourrices Tour d'abandon Realisation_du_09-06-20 pour Canalblog

 

L’enfant était alors recueilli par le concierge de l’hospice ou la religieuse préposée à ce service d’où son nom de «  sœur tourière « . Parfois la mère joignait un billet sur lequel elle précisait si celui-ci était baptisé ou non, le prénom qu’elle voulait lui donner, elle disait parfois qu’elle reviendrait le chercher.

Voici l’acte de réception d’un enfant sur lequel est reproduit le contenu du billet qui l’accompagnait

«  cet enfant a été exposé pour quelque temps, il est malade, je vous prie d’en avoir soin âgé de 13 mois, il a un bonnet gris piqué une mouche au bras gauche il s’appelle Petrus B « 

 

2 Les nourrices acte de réception Realisation_du_09-06-20 pour Canalblog

 

Sous l’Ancien régime les enfants abandonnés sont pris en charge par les institutions religieuses. Après la Révolution c’est la Nation qui les prend en charge, le cadre de cette assistance est réglé par un décret impérial de 1811 qui restera en vigueur jusqu’au début du XXe siècle.

Les hospices apportent les premiers secours, placent les enfants chez des nourrices et en assurent le suivi et l’entretien, donnant de l’argent aux nourrices et leur fournissant des vêtements pour les enfants.

 

Les Basses Alpes, sont un département rural dans une région montagneuse. La population est majoritairement paysanne, l’agriculture rapporte peu et il faut se procurer des ressources par d’autres moyens. Les hommes trouvent une activité complémentaire parfois saisonnière, les femmes prennent en charge des enfants abandonnés venus parfois d’autres départements moyennant une faible rétribution. C’est ainsi que l’on trouve dans les Basses Alpes de nombreux enfants «  des hospices de Marseille confiés aux soins de … «  car on considère que rien n’est plus salutaire que le placement dans une famille de paysans.

3 Les nourrices Basses Alpes Realisation_du_09-06-20 pour Canalblog

 

Dans la première moitié du XIXe siècle environ 260 enfants sont accueillis chaque année dans les Basses Alpes. Un grand nombre d'entre eux, notamment ceux en bas âge et en particulier des nourrissons meurent peu après leur admission.

Les nourrices sont, en principe, recrutées parmi des femmes «  propres à nourrir un nouveau né «  qu’elles allaitent en même temps que le leur, ou à la place du leur lorsque celui-ci est décédé. Elles sont agrées, reçoivent une sorte de " certificat d’aptitude " délivré par le curé d’abord puis, à partir de 1808 par le maire de la commune  mais parfois ce certificat est attribué avec complaisance ; ce sont parfois des «  nourrices sèches «  n’ayant pas accouché récemment, qui donnent à l’enfant du lait de chèvre au lieu de lait maternel ou du lait maternel vieux et vicié qu’elles ont conservé, ou encore de la bouillie impropre aux besoins d’un nourrisson, le tout dans des conditions sanitaires douteuses, et l’enfant va dépérir et mourir.

4 Les nourrices Realisation_du_09-06-20 pour Canalblog

 

Les enfants placés sont cependant visités périodiquement par des inspecteurs mandatés par l’administration d’origine de l’enfant qui vérifient les conditions dans lesquelles ils sont élevés. En 1831, une inspection permanente des enfants trouvés est créée dans les Basses-Alpes, les inspecteurs adressent leur rapport annuel au Conseil Général.

En 1848, M. Roux, « inspecteur départemental des Enfants de la Patrie des Bouches-du Rhône », interpelle le citoyen-préfet des Basses-Alpes le priant : « … de donner des instructions aux maires pour les inviter à faciliter par tous les moyens en leur pouvoir le placement en nourrice des enfants des hospices, mais en ayant soin de mentionner religieusement l’âge du lait de la nourrice. Les maires ne doivent pas oublier qu’en déguisant l’âge du lait lorsqu’il excède la limite de 20 mois indiquée dans les instructions, ils se rendent complices de la mort de l’enfant dont la nourrice est hors d’état de prendre soin, et commettent d’ailleurs un faux en écriture publique »

 

En raison de la pauvreté des familles d’accueil, et du fait que les sommes versées aux nourrices décroissent jusqu’à l’âge de 12 ans, les enfants sont souvent contraints de participer aux tâches de la maison ou des champs (à l’instar d’ailleurs des enfants de la famille) ; gagner son pain fait partie du quotidien. Parvenus à l’âge de travailler, les enfants placés restent souvent dans leur famille d’accueil comme domestiques.

 

Delphine LATIL 1784 -1848, mon ancêtre, mère de 4 enfants nés entre 1802 et 1810, fut l’une de ces nourrices, j’ai d’ailleurs trouvé dans les registres de Sisteron le décès de deux enfants des hospices de Marseille " confiés aux soins de Delphine LATIL " - le 14 septembre 1810 Innocent MARTIN 18 mois et le 18 octobre 1812 Marie Justine 1 an.

 

5 Les nourrices nourrisson Realisation_du_09-06-20 pour Canalblog

 Marie Louise BICAIS   Marseille 12 juin 2020

 

 

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